La valeur de l'art
L'œuvre d'art, unique et originale, se distingue des biens marchands reproductibles. La rareté fonde à la fois sa valeur artistique et sa valeur économique. Le degré de rareté des œuvres segmente différents marchés de l'art. Chacun d'eux connaît ses propres conventions : ses critères esthétiques et ses mécanismes de valorisation. Dans l'art contemporain, les acteurs culturels, qui valident la qualité artistique, et les acteurs économiques, qui organisent la rareté, sont étroitement liés, ce qui rend ce marché particulièrement spéculatif. Mais le phénomène n'est pas nouveau : la valeur esthétique des œuvres est depuis toujours étroitement liée au prestige des collectionneurs et, réciproquement, l'appropriation de la rareté artistique reste un enjeu de positionnement social.
Un jour viendra, écrivait Vincent Van Gogh à son frère Théo, où l'on verra que cela vaut plus que le prix de la couleur. Un siècle plus tard, en 1990, son Portrait du docteur Gachet partait en vente publique à 82,5 millions de dollars. Quelle alchimie préside à une telle transmutation des valeurs ?
A mesure que s'affirme l'identité propre de l'artiste, la valeur de l'œuvre transcende son coût de production. Le phénomène s'observe d'abord à l'échelle de l'histoire.
Sandra Moatti